jeudi 2 juin 2011

Primaires PS : Montebourg, un peu d'air frais ? (Philippe Cohen - Marianne | Jeudi 28 Avril 2011)

Arnaud Montebourg consulte et rallie des intellectuels, rassemble ses réseaux et s'arme sur le Net en vue de la bataille des primaires socialistes qui débutera le 16 juillet. Il mise sur la radicalité et la singularité de son projet face à deux candidats mainstream, François Hollande et DSK, que peu de choses différencieront en dehors des performances respectives de leurs régimes amaigrissants.


Pour la fusée Montebourg, le compte à rebours a commencé. Jour après jour, le député de la Saône et Loire peaufine son dispositif pour les primaires socialistes qui démarreront le 16 juillet pour s'achever par les scrutins des 9 et 16 octobre.

Arnaud Montebourg n'a pas beaucoup d'illusions sur un Parti socialiste qui, muet sur la mondialisation depuis des années, a offert tout un électorat populaire sur un plateau d'argent à Marine Le Pen. « Si la gauche ne gagne pas en 2012, le PS éclatera. », lance-t-il, songeur mais on ne sent pas que cette hypothèse le ravit. Le PS vu de sa fenêtre ? Une machine à broyer l'innovation et le renouveau des idées. Une machine qui tend irrésistiblement à couper du peuple l'électorat du PS, quitte à le rétrécir toujours davantage. « Aux lecteurs du Monde ? » plaisante-t-il avec un sourire doux-amer. Une machine qui a failli le tuer lui-même lorsqu'il a tenté de faire des compromis, avec Ségolène Royal puis avec Martine Aubry. Il en a récolté une image de jeune politicien tacticien prompt aux compromis utiles à sa carrière.

Un malentendu, explique-t-il aujourd'hui. Après avoir rassemblé la gauche du non au TCE (48% au référendum interne de 2004 tout de même), il a été abandonné par ses alliés (Vincent Peillon notamment) au Congrès du Mans de 2005, ce qui a abouti à la dilution de son courant NPS (Nouveau parti socialiste), les statuts ne lui permettant plus de disposer des parrainages suffisants pour maintenir son courant. Il a cru bon ensuite de bâtir une alliance avec Ségolène Royal, qui a ensuite piétiné ses deux exigences - la lutte contre la mondialisation et la VI° République -. Montebourg insiste sur le fait que sa ligne n'a pas varié, comme s'il tenait absolument à démontrer une constance et une pugnacité qu'il n'a pas toujours su manifester dans le passé.

Mais comme tout challenger - c'est bien la moindre des choses - Arnaud Montebourg croit aujourd'hui en ses chances. Son premier atout est d'être le seul candidat de rupture à gauche. Partisan de la démondialisation et d'un « protectionnisme vert », son credo lui parait aujourd'hui en effet le seul opposable à gauche à celui de Marine Le Pen. Il pense incarner le seul programme d'alternative au sein d'une gauche dont l'image est de plus en plus gestionnaire, en décalage avec des classes populaires et moyennes affolées par la mondialisation.

Le vote utile va s'imposer à gauche

La synthèse entre l'écologie et le protectionnisme, qu'il a explicitée sur 300 pages dans son livre Des idées et des rêves (1), était plutôt inattendue. On aime bien Gramsci et son hégémonie culturelle du côté de chez Montebourg et le contexte sert ladite synthèse : la désindustrialisation de la France sera l'un des thèmes forts de la campagne 2012; et, adoubé par les enjeux de l'écologie, le protectionnisme gagne plus facilement une vraie légitimité parmi les intellectuels et les classes moyennes. Quand au peuple français, chacun sait que, dès qu'on lui pose la question, il se prononce à une écrasante majorité pour la protection, toutes les études en témoignent. Mais le peuple votera-t-il aux primaires ?

Une chose est sûre : sur ce terrain, le positionnement de Montebourg est singulier et son directeur de cabinet, Gaël Brustier, un ancien du Mouvement des citoyens, auteur de livres salués dans ces colonnes (2), se réjouit de voir la bonne humeur s'installer entre jeunes chevènementistes et ex-militants du pôle écologique du PS qui s'apprêtent à animer la campagne des primaires.

Qui d'autre en effet ? Jean-Luc Mélenchon ne mord pas sur l'électorat populaire, du moins selon les sondages. Son allié communiste aussi discret que pesant, le contraint à ne pas trop s'écarter d'une ligne politiquement correcte, façon « Good bye Lénine » de la social-démocratie. Il ne parlera ni de sécurité ni d'immigration sauf pour défendre les sans-papiers, et on a vu qu'il était passablement gêné aux entournures sur l'euro. En outre, que deviendront les candidatures écolo et Front de Gauche lorsque la gauche tétanisée par le risque d'une élimination au premier tour, sonnera le tocsin de la lutte anti-Le Pen ?

En réalité, selon les calculs d'Arnaud Montebourg, les primaires socialistes seront le seul vrai débat de  l'élection présidentielle. Nous vivrons ensuite une campagne à trois forces centrifuges - UMP, PS, FN - qui lamineront tout le champ politique. Plus encore qu'en 2007 où l'on sentait bien l'affaiblissement du Front national, le vote utile s'imposera à gauche. D'ailleurs, des primaires ouvertes à toute la gauche définiraient, en pointillés, selon lui, les contours d'un grand parti de gauche.

La gauche du PS, - Henri Emmanuelli et Benoît Hamon - est encalminée par son alliance avec Martine Aubry, laquelle est pieds et poings liés avec DSK. Pour le staff de Montebourg, l'affaire est pliée : la première secrétaire du PS ne pourra pas rompre le pacte dit de Marrakech, car son maintien contre DSK ferait le jeu de François Hollande, en divisant par deux l'actuelle majorité. En confirmant son ralliement, le maire de Lille gagnerait son ticket pour Matignon en cas de victoire de DSK, alors qu'elle perdrait sa majorité au PS en ferraillant avec l'homme du FMI.

Enfin, Ségolène Royal, bien qu'elle affirme encore l'inverse, ne sera pas, selon Montebourg, candidate jusqu'au bout. Mieux vaudra pour elle pactiser avec Strauss-Kahn en évitant de mesurer son poids électoral déclinant au sein de la gauche. Attentifs aux « quali », ces études donnant la parole aux futurs électeurs des primaires, les montebouriens affirment en effet que la Présidente de Poitou-Charentes est décrédibilisée pour une très large majorité d'électeurs de gauche.

Une fois débarrassée « des deux filles », la route du 9 juillet serait ainsi plus ouverte qu'il n'y parait pour le député de la Saône et Loire : si la compétition ne concernait que trois candidats - DSK, Hollande et Montebourg -, ce dernier pourrait alors se déployer à l'abri des deux autres candidats. D'abord parce que les troupes dskistes attaqueront frontalement les hollandais et parmi eux nombre d'élus soucieux de ne pas se mettre en difficulté lors des prochaines échéances électorales, les seules qui comptent pour leur carrières. Ensuite parce que, sur le front des idées, Hollande n'est qu'un sous-produit du strauss-kahnisme. Peu de choses séparent en effet les deux candidats réformistes : ils sont européistes, partisans de l'orthodoxie budgétaire et libre-échangistes, même si l'un et l'autre auront la tentation de gauchir leurs discours. DSK a déjà commencé en évoquant le mot-fétiche de Montebourg, démondialisation. Quant à François Hollande, son contact avec Jean-Pierre Chevènement montre qu'il songe lui aussi à passer à gauche, un grand classique des batailles internes au PS.

Qu'importe, pour Montebourg la bataille Hollande-DSK sera illisible, « deux nègres dans un tunnel » lance-t-il. Là réside sa chance : alors que dskistes et hollandais se déchireront à coup de chantages aux postes ministériels et locaux, la charge légère de la brigade Montebourg pourrait le hisser au deuxième tour des primaires. Dès lors, tout serait possible.

Mobiliser très au delà du PS

Au fait Montebourg, combien de divisions ? Le député dispose il est vrai de moyens limités. Ses points d'appui se situent en Bourgogne bien sûr, mais aussi dans le Nord-est de la France, en Languedoc-Roussillon et en Rhône-Alpes. Il bénéficie aussi du soutien de l'ex-pôle écologique du PS de Géraud Guibert, quelques centaines de militants tout de même. Il compte bien élargir son audience durant la campagne des primaires. D'abord, toute la gauche du PS, et une bonne partie des aubrystes ralliés au Maire de Lille pour s'opposer à DSK, se sentira trahie dès lorsque Martine aura pactisé avec Dominique. Certes, Hamon et Emmanuelli plieront, mais leurs troupes se sentiront plus proches des idées de Montebourg que de celles de DSK. Deuxième atout, son fort engagement écologique - il défend un protectionnisme « vert » - peut lui faire gagner des suffrages dans cet électorat dont une partie votera aux primaires socialistes. Enfin, la fibre républicaine de Montebourg, vivifiée par des relations anciennes et maintenues avec Jean-Pierre Chevènement, peut faire du candidat Montebourg un rasoir à trois lames. Il vient d'ailleurs de s'adresser aux Radicaux de gauche, autre famille orpheline de la gauche DSK pour leur proposer de participer aux primaires.

Il y a aussi la question des moyens. La règle des primaires limite à 60 000 euros le plafond de campagne. Montebourg ne sera donc pas désavantagé. Il bénéficiera en outre du soutien de la Netscouade sur Internet, plus gros budget de sa campagne interne, l'équipe qui avait assuré le succès de Ségolène Royal avec Désirs d'avenir. Le site desideesetdesreves.fr, fonctionne déjà depuis novembre 2010. Montebourg a pris langue avec plusieurs intellectuels non conformistes, comme Hakim El Karaoui ou l'économiste Jean-Luc Gréau, qui a été longuement interviewé sur le site. Emmanuel Todd, qu'il a rencontré plusieurs fois, va préfacer un petit ouvrage « agitatif » une sorte de manifeste vendu 2 €  : Voter pour la démondialisation (3). Montebourg y prendra position assez clairement pour une politique plus offensive à l'égard de l'Allemagne, assez hétérodoxe par rapport aux violons socialistes sur le couple franco-allemand. Enfin, Aquilino Morel, l'ancien conseiller de Lionel Jospin, devrait devenir l'un de ses porte parole, tandis que Benoït Thieulin, le patron de la Nestcouade, fait partie du staff rapproché du candidat.

Un électorat flou

La campagne des primaires socialistes conserve cependant une inconnue de taille : c'est la seule élection dont on ne connait pas le périmètre électoral puisqu'il suffira de pas grand chose pour voter. Et le résultat ne sera pas le même selon que le corps électoral sera de 500 000, un ou quatre millions de personnes. En s'investissant dans l'organisation des primaires, Montebourg a voulu torpiller - en l'ouvrant - un système qui écrase selon lui les idées au profit des batailles d'appareil.
 
L'incertitude du scrutin repose donc en grande partie sur son caractère inédit. Mais comment prôner la rupture avec le système tout en restant dans le cadre unitaire puisque chaque compétiteur devra s'engager derrière le vainqueur ? Comment crédibiliser un combat pour la démondialisation tout en acceptant de rallier ensuite celui qui restera, pour longtemps encore, l'ex-patron du FMI ? Pour réveiller un électorat de gauche anesthésié par toutes les raclées électorales et sociales subies depuis 2002, il faut sans doute taper fort. Arnaud Montebourg, le moins médiatique des candidats, peut-il y parvenir dans une campagne en forme de sprint de moins de deux mois (si on compte la trêve estivale) ? On le souhaite, ne serait-ce que par aversion pour un duel Hollande-DSK qui se jouerait davantage sur le tour de taille et le maintien médiatique que sur les idées. Montebourg, un peu d'air frais comme disait Orwell ?

"Votez pour la démondialisation" est sorti !


Le nouveau livre d'Arnaud Montebourg, préfacé par Emmanuel Todd, Votez pour la démondialisation, est sorti ce 25 mai en librairie. Il ne coûte que 2 euros pour que chacun puisse le lire.

Dans cet ouvrage, le candidat explicite son projet de démondialisation, qui vise à créer le modèle de l'après crise et ainsi rompre avec la globalisation néo-libérale et en finir avec les délocalisations et la baisse des salaires.

Vous trouverez Votez pour la démondialisation chez votre libraire.


Le clip de campagne d'Arnaud Montebourg


le clip de campagne d'Arnaud Montebourg par idees_reves

samedi 9 avril 2011

De la transparence dans la santé publique

Alors que la défiance envers les politiques de Santé Publique se polarisait traditionnellement dans la relation entre l’opinion publique et le décideur politique, la méfiance s’étend désormais aux responsables de l’expertise. En germe depuis le début des années 2000, c’est la question de la grippe A/H1N1 et sa très contestée campagne de vaccination qui a joué le rôle de révélateur de cette rupture désormais consommée.

Le récent scandale du Médiator n’est à ce titre qu’un symptôme du malaise profond que l’on a laissé s’installer en ne prenant pas garde à adapter les exigences déontologiques aux aspirations démocratiques modernes. S’il n’y pas lieu de reprendre le slogan, trop souvent entendu, du « tous pourris » (car l’immense majorité des experts font un travail précieux et de grande qualité), une approche radicalement nouvelle de l’expertise en Santé Publique est désormais nécessaire, allant bien au delà de la simple question de la gestion des liens d’intérêts.

Jamais le besoin d’une approche collective et publique de la Santé n’a été aussi grand et le succès des politiques engagées en la matière nécessite un lien de confiance étroit et indéfectible entre les français et les professionnels engagés dans l’analyse des besoins de santé, dans l’expertise et dans l’élaboration des politiques nouvelles. Restaurer ce lien de confiance, c’est aujourd’hui s’interroger d’abord sur la fabrique de l’opinion de l’expert.

Il serait faux de croire que le conflit d’intérêts, en Santé Publique comme ailleurs, ne survient que lorsque des intérêts publics et privés s’opposent frontalement. Et il serait également faux de croire que les seuls liens financiers génèrent du conflit d’intérêt, les liens scientifiques, intellectuels ou relationnels sont tout autant en cause. Enfin, il serait encore plus faux de croire que la perte d’indépendance d’un expert relève de la malhonnêteté systématique. L’emprise est loin d’être toujours consciente et la fabrique de cette influence est bien plus pernicieuse que cela.

Partant de là, il faut constater les dégâts causés par les années de libéralisme dans le monde de la Santé qui ont laissé l’argent privé prendre une place prépondérante dans le financement du système au fur et à mesure que l’État se désengageait. Aujourd’hui, le constat est peu reluisant, l’argent privé est partout et surtout où il ne devrait pas être : dans l’information médicale (combien de journaux professionnels, en dehors de Prescrire, peuvent se dire indépendants), dans la Formation Continue des professionnels, dans l’organisation des Congrès Scientifiques, dans le financement des associations, qu’elles soient associations de professionnels de santé, d’étudiants en filières de santé ou de patients. Qui serait assez naïf pour croire qu’il s’agit là d’un mécénat désintéressé ?

Si la désignation à la vindicte populaire des firmes pharmaceutiques comme seules et uniques responsables de tous les maux est facile et tentante, ce serait oublier un peu vite qu’il s’agit également d’un secteur industriel clé, nécessaire à la santé des français comme à celle de l’économie du pays. Avancer sur la rénovation de l’expertise en Santé Publique, ce n’est pas stigmatiser les intérêts privés, mais avancer des propositions au travers du prisme d’une clé d’analyse simple : le métier premier de l’industrie pharmaceutique n’est pas l’irrigation financière du système de santé, mais la production de médicaments et d’innovations.

Renouer la confiance entre population et experts, c’est faire trois choses : prévenir les conflits d’intérêts, donner les moyens aux pouvoirs publics de garantir l’indépendance de l’expertise et adopter de nouvelles règles d’organisation plus conforme avec la démocratie sanitaire moderne que nous souhaitons.

La gestion des liens d’intérêts est finalement la partie la plus évidente à réformer et le débat démocratique est aujourd’hui largement entamé sur la question. La prévention des conflits d’intérêts passe par la transparence et donc par la déclaration, la publication et la diffusion de tous les liens, financiers ou non, entretenus par les intérêts privés avec les acteurs du monde de la Santé. Si la question du financement des professionnels à titre individuel est évidente, une réforme complète ne devra pas oublier les associations de professionnels, d’étudiants ou de patients, les sociétés savantes ou les structures de formation médicale continue . Sur le modèle du data.gov américain, il faut une agence capable de recueillir et diffuser les déclarations de liens d’intérêts.

Mais la seule déclaration individuelle et sur l’honneur ne suffit pas. La multiplication de ces déclarations rend quasi-impossible les opérations de contrôle, sans compter que ces déclarations sont souvent incomplètes ou mal remplies, non du fait d’une volonté de dissimuler mais plutôt par le peu de goût des professionnels pour les tâches administratives et la difficulté parfois à se souvenir de tous les liens d’intérêts possibles. C’est pourquoi l’une des pistes les plus prometteuses pour une réforme à venir est l’inversion de la charge de la déclaration qui ne relèverait plus de la responsabilité de chaque professionnel, mais de celle de l’intérêt privé qui aurait alors l’obligation de déclarer et de faire publier l’ensemble des financements octroyés, contrôle et sanctions dissuasives pour ceux ne jouant pas le jeu à la clé.

Cette nouvelle transparence est un préalable mais n’est pas une fin en soi. Il est prévisible qu’avec ces nouvelles règles de transparence, les financements privés diminuent. Il faut donc réarmer la puissance publique pour lui permettre le financement de ces structures nécessaires au bon fonctionnement de la Santé dans notre pays. Une réflexion quant à de nouvelles formes de financements « innovants » devrait être menée afin que l’exigence de transparence ne se réalise pas au détriment de l’action des différents acteurs de la Santé.

Alors que la France est en retard d’une décennie (au moins) dans le développement d’une culture de Santé Publique, la formation initiale des médecins et le développement des filières menant aux professions de la Santé Publique doivent également être développés. Si le changement des règles de transparence est une politique dont les effets seront visibles à court terme, il s’agit là d’une politique de long terme dont les résultats ne se feront sentir qu’à dix, quinze ou vingt ans. Elle est pourtant primordiale pour mieux préparer notre pays aux enjeux de Santé de demain qui seront essentiellement collectifs.

Entre le temps court et le temps long, le renouveau de l’expertise en Santé Publique passe par l’établissement de nouvelles règles démocratiques. L’expertise collective, si elle est nécessaire, présente un inconvénient, celui de la dilution des responsabilités. Ce d’autant que trop souvent, les avis minoritaires ne sont pas pris en compte et ne sont pas publiés. La possibilité de rendre publique les réunions d’expertise des grandes agences de santé et la publication des avis minoritaires doivent devenir des standards pour assurer la démocratie sanitaire. Tout aussi nécessaire, la question du statut de l’expert doit être posée. Dans la pratique quotidienne, les seuls professionnels salariés peuvent participer sans perte financière aux travaux d’expertise sans perte financière. Si bien que les professionnels libéraux ou les associations indépendantes ont bien souvent du mal à avoir l’assiduité nécessaire à la participation à de telles expertises.

Redonner confiance aux français dans la Santé Publique, on le voit, ce n’est pas que régler la question des conflits d’intérêt qui a fait les gros titres ces derniers mois. C’est engager une réforme profonde des pratiques démocratiques dans le monde de la Santé. L’exigence aujourd’hui est de porter un renouveau d’une ampleur comparable à celle du Sunshine Act américain qui depuis 1976 permet de faire progresser la transparence dans la vie démocratique aux Etats-Unis. Lorsque plus récemment le Président Obama a fait voter le Physician Payment Sunshine Act, les financements par l’industrie pharmaceutique ont diminués, preuve s’il en est de l’efficacité du dispositif.

Le malaise qui tenaille une Santé Publique en crise oblige la Gauche à répondre à cette question : Au delà des quelques replâtrages proposés par la Droite, qui bien qu’allant dans le bon sens sont largement insuffisants, sommes nous prêt pour un Sunshine Act à la française ?
  Clément Lazarus, pôle santé de Des idées et des rêves

lundi 21 mars 2011

Après la fusion des idées, la fusion des intérêts électoraux

Arnaud Montebourg réagit au lendemain du premier tour des élections cantonales. Voici son communiqué suivi de sa reprise par l'AFP.

Communiqué d'Arnaud Montebourg, député de Saône et Loire

La déroute de l'UMP au premier tour des élections cantonales a une première grave conséquence : l'organisation accélérée et préfiguratrice d'un projet d'alliance sur le plan national de l'UMP avec le Front National.

Les élections cantonales sont devenues en quelques heures un laboratoire expérimental de 2012, car partout en France les dirigeants locaux de l'UMP refusent d'appeler à voter contre le FN, et laissent leurs électeurs choisir en leur "âme et conscience", ce qui constitue une autorisation directe de voter FN en espérant que celui-ci le leur rendra.

Ces élections cantonales préparent ainsi le projet d'alliance UMP-FN pour les présidentielles de l'année prochaine, ce que les déclarations du Ministre de l'intérieur ou les dérives verbales et programmatiques du Président de la République ce dernier été, ont lentement préparé.

Il est hautement nécessaire de se préparer à combattre cette alliance dangereuse pour la République et la paix civile, et dénoncer avec force ces complicités en construction, ressemblant aux accords qui eurent déjà lieu en 1998 entre la droite et le FN après les élections régionales de cette époque.

La gauche a en conséquence la haute responsabilité de s'unir partout pour réveiller la conscience des abstentionnistes. La droite prend pour sa part une très lourde responsabilité pour l'avenir de notre pays.


Les cantonales préparent un projet d'alliance UMP-FN pour 2012 (Montebourg)

PARIS, 21 mars 2011 (AFP) - Le député socialiste Arnaud Montebourg a estimé lundi que les cantonales préparaient "le projet d'alliance UMP-FN" pour la présidentielle de 2012 et a appelé à l'union de la gauche pour le deuxième tour du scrutin.
"La déroute de l'UMP au premier tour des élections cantonales a une première grave conséquence: l'organisation accélérée et préfiguratrice d'un projet d'alliance sur le plan national de l'UMP avec le Front National", a déclaré M. Montebourg dans un communiqué.
"Les élections cantonales sont devenues en quelques heures un laboratoire expérimental de 2012, car partout en France les dirigeants locaux de l'UMP refusent d'appeler à voter contre le FN, et laissent leurs électeurs choisir en leur âme et conscience, ce qui constitue une autorisation directe de voter FN en espérant que celui-ci le leur rendra", ajoute le candidat aux primaires socialistes.
"Il est hautement nécessaire de se préparer à combattre cette alliance dangereuse pour la République et la paix civile, et dénoncer avec force ces complicités en construction (...) La gauche a en conséquence la haute responsabilité de s'unir partout pour réveiller la conscience des abstentionnistes", conclut-il.
Le premier tour des élections cantonales a été marqué par une poussée de l'extrême droite, qui talonne l'UMP. Le parti présidentiel a refusé d'appeler à un front républicain pour faire obstacle au FN, au grand dam de la gauche, arrivée en tête du scrutin.

lundi 7 mars 2011

Le courrier d'Arnaud Montebourg à Martine Aubry

Madame la Première Secrétaire, ma chère Martine,


J'ai préféré garder jusqu'à présent le silence après la publication malheureuse et inappropriée du rapport que je t'avais exclusivement et confidentiellement destiné au mois de décembre, afin de ne pas ajouter au risque de confusion.

Mais la façon dont les dirigeants qui t'entourent et toi même s'emploient à discréditer mon travail sans condamner d'invraisemblables comportements au sein de la Fédération des Bouches du Rhône me paraît autant désolante que blessante. Cette publication a en outre péniblement interféré dans la campagne pour les élections cantonales que je mène en Saône et Loire comme dans d'autres départements.

Ce rapport était ma dernière transmission dans le cadre de mon travail de Secrétaire National à la Rénovation que tu m’avais confié, avant de partir en campagne pour ma candidature dans les primaires de la gauche.

Ce document est né d'une visite à Marseille le 5 juin 2010 afin de présenter aux militants marseillais le programme de rénovation du parti que nous avons adopté ensemble, contenant outre l'organisation des primaires, la fin du cumul des mandats pour nos parlementaires et l'instauration d'une autorité éthique -c'est l'ironie de la situation- au sein du Parti Socialiste. A l'occasion de cette visite de terrain, de nombreux élus et militants marseillais se sont ouverts à moi de faits les plus condamnables et effrayants qu'ils m'ont relatés dans le détail au sujet de cette Fédération et m'ont littéralement supplié de m'en emparer, de t'en avertir, et d'agir au nom de l'honneur du socialisme.

J'ai jugé en conscience, au regard des responsabilités que tu m'avais confiées pour rénover et transformer le parti, au regard de l'exigence et de la rigueur que j'attache toujours à l'exercice de celles-ci, dans le souci de protection des militants et élus des Bouches du Rhône sincères et honnêtes, exposés aux méthodes abusives et dangereuses qui m'étaient rapportées, qu'il était de mon devoir de le faire dans l'intérêt de la gauche et de sa réputation morale.

Tu comprendras sûrement que la Rénovation du Parti socialiste ne peut pas être à mes yeux une série de discours creux et sans suite concrète, mais au contraire des actes courageux qui feront entrer le socialisme français dans une nouvelle ère dont nous avons tous besoin.

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J'ai donc engagé un processus d'enquête approfondie, qui a duré plusieurs mois, pendant lequel j'ai vu et revu des élus, des militants et des témoins qui ont tous confirmé la situation que j'ai décrite dans le rapport. Je puis donc confirmer que chacune des affirmations contenues dans ce rapport ont été méthodiquement et précisément vérifiées et que des éléments de preuves précis et concordants de ce que j'ai décrit dans mon rapport de décembre sont disponibles.

Ces éléments probants concernent la violation caractérisée des statuts du Parti par le Président du Conseil Général de ce Département, la colonisation par des employés du Conseil Général des postes sensibles de la Fédération, le boycott des élections régionales par la Fédération, la distribution de subventions comme outil de pression, les brimades arbitraires sur les élus et citoyens indociles, les menaces physiques sur des hauts fonctionnaires du Conseil Général, et l'intimidation permanente sur certains élus socialistes pour qu'ils se conforment aux intérêts politiques ou financiers de la famille Guérini.

Est-il possible que les socialistes que nous sommes puissions demander des comptes aux abus de pouvoir du sarkozysme, exiger qu'il soit mis fin à la corruption du régime et du pouvoir actuels, notamment dans le soutien, mêlé à l'affairisme, aux dictatures déchues des pays arabes, si nous tolérons en notre sein des comportements aussi condamnables que repoussants ? Le socialisme qui reconstruira la République, après ces années de décomposition, défend une haute idée de la démocratie et doit affirmer ses propres valeurs, y compris contre ceux qui s'en réclameraient tout en les dégradant par leurs actes.

Comme parlementaire et comme juriste, comme homme d'honneur ou comme socialiste engagé depuis trente années, pouvais-je accepter de me taire devant ces faits évidents et inacceptables qu'on m'implorait d'attester en haut lieu pour enfin tenter les faire cesser ?

Abraham Lincoln, l'un des Présidents fondateurs de la grande démocratie américaine avait prononcé cette phrase qui a toujours guidé mon action : "C'est en gardant le silence alors qu'ils devraient protester, que les hommes deviennent des lâches." Je n'ai pas voulu être ce lâche en fermant les yeux sur les agissements de certains socialistes des Bouches du Rhône. Et je ne souhaite pas que le parti dont je suis l'un des leaders soit fait de ce triste bois là.

Tes collaborateurs zélés ont depuis le mois de décembre commis l'erreur dans cette grave affaire de nous emmener sur le terrain de la loi du silence. Ta haute responsabilité comme Première secrétaire chargée de protéger la réputation du socialisme français est au contraire de conduire une stratégie de délivrance à l'encontre des tables secrètes de ce genre de loi. Tu en as la charge morale vis à vis de l'avenir de nos idées, et tu en as pris l'engagement vis à vis de moi lorsque tu m'as proposé la mission -ni apparente, ni fictive- de rénover nos pratiques et notre mouvement politique.

J'ai retrouvé la lettre que je t'avais destinée par courriel la veille de ma déclaration de candidature aux primaires et qui t'annonçait mon rapport sur les Bouches du Rhône. Je t'y écrivais le 19 novembre 2010 : " Ma chère Martine, je veux te remettre les clés de l'organisation des primaires dont je deviens dès demain l'un des acteurs, en te priant de considérer mon dernier rapport de mission à Washington ainsi que la Charte Ethique qui l'accompagne comme véritablement indispensables à notre réussite collective quel que soit notre candidat. J'aurais voulu te transmettre un autre rapport inachevé que je te communiquerai dans la quinzaine. Il s'agit de mes constatations comme Secrétaire à la Rénovation sur les pratiques politiques de nos camarades socialistes dans les Bouches-du -Rhône. Au mois de septembre, j'avais indiqué à François Lamy que j'avais l'intention de te faire rapport sur ce qu'en toute objectivité aucun Secrétaire National à la Rénovation digne de ce nom ne peut taire dès qu'il en a connaissance. François Lamy m'avait demandé de ne pas déposer ce rapport sur ton bureau. Je le ferai néanmoins, car cela t'aidera à prendre les bonnes décisions vis à vis de la fédération des Bouches-du-Rhône qui à mes yeux mérite malheureusement un sort semblable à celle de l'Hérault. " Ce rapport te fut porté confidentiellement le 8 décembre.

Je regrette qu'on ait cherché à m'empêcher de produire ce rapport avant même son achèvement, je regrette qu'il ait été prétendu avoir été égaré alors que ma lettre annonçait sans ambages son contenu et ses conclusions, et que lorsqu'il fut enfin et effectivement lu, on s'employa à le combattre. Est-il encore possible d'éviter de constater, non sans une certaine désillusion, que tu parais avoir choisi fâcheusement de détourner le regard ?

Pourtant, refuser de porter comme un fardeau le poids des pratiques des Bouches du Rhône nous évitera un handicap persistant pendant l'élection présidentielle qui approche.

Dans la grande offensive que prépare le Front National, dans laquelle vont se jouer le sort et la survie de la République, crois tu opportun de nous envoyer nous battre sur des béquilles, en maintenant notre solidarité avec des pratiques qui nous déshonorent tous ? Il me paraît de l'intérêt supérieur et commun de tous les socialistes de remédier à cette situation comme nous l'avons fait dans l'Hérault. C'est notre intérêt politique, quel que soit le chemin qu'empruntera la justice, car notre responsabilité de socialistes est de faire cesser les pratiques sulfureuses de la direction de cette Fédération, sans attendre que d'autres le disent à notre place puisqu'il s'agit de pratiques internes au Parti Socialiste dont le juge n'est pas saisi.

Il y a aussi, selon moi, nécessité à faire cesser les violations évidentes de nos statuts selon lesquels on ne peut pas diriger à la fois la Fédération et un Conseil Général. À quoi servirait-il qu'on ait instauré dans le programme de la rénovation une autorité éthique destinée à faire respecter les statuts pour laisser un élu en accointance avec la direction les violer avec allégresse ? Ce serait envoyer un message d'autorisation généralisée de piétinement de nos règles communes.

Je maintiens donc les conclusions de mon rapport tendant à la mise sous tutelle de la Fédération des Bouches du Rhône. Tu viens d'ordonner une commission d'enquête à la demande de Jean‑Noël Guérini. Elle vient bien tard, mais je lui destinerai mes informations si elle est composée de personnalités indépendantes, insensibles aux intérêts politiques en jeu dans ce dossier. Dans l'attente, je crois indispensable de décider un moratoire de toute prise nouvelle de responsabilités de l'intéressé, notamment à l'issue des élections cantonales, ce que demandent déjà publiquement nos alliés sur place.

Dans une période d'extrême défiance à l'encontre de l'action politique, notre responsabilité n'est à mon sens, ni de différer, ni de minimiser, ni de dissimuler. Elle est au contraire d'affronter la vérité, de la dire et de trancher les nœuds gordiens qui nous entravent depuis des années. Mettre nos actes en conformité avec le désir de probité la plus élémentaire et les attentes du peuple français à l'égard d'un grand parti de gouvernement comme le nôtre supportera-t-il longtemps la soumission à quelques intérêts locaux déliquescents ou l'obéissance à une médiocre frilosité dans une période où il faudra redoubler de courage ?

L'enjeu pour nous tous, socialistes, est de faire surgir dans la population les forces nouvelles qui transformeront avec nous la France. Mais qui veut changer la France doit changer d'abord soi-même, en inventant les pratiques d'un nouveau Parti, débarrassé des oripeaux d'années de compromissions ou d'habitudes détestables. Je décide quant à moi de croire viscéralement -avec tous ceux qui aiment et défendent la beauté exemplaire de la République- dans un mot : honneur.

Ton bien dévoué et fidèle Secrétaire National à la Rénovation.


Arnaud Montebourg

samedi 5 mars 2011

Le rapport Montebourg qui accable Jean-Noël Guérini et met le feu au PS (article de la Provence)

Dans un rapport confidentiel destiné à Martine Aubry et que La Provence s'est procuré, le député socialiste et secrétaire national à la rénovation du PS Arnaud Montebourg dénonce violemment les "pratiques contestables" de la fédération des Bouches-du-Rhône et "le Conseil général, machine à à distribuer des postes d'élus ou d'employés." Datée du 8 décembre 2010, cette missive de six pages écorche "un système de pression féodal reposant sur l'intimidation et la peur" et évoque les "dérives les plus graves dans l'usage de l'argent public, car il fait disparaitre toute forme de contrôle poilitique ou administratif."
La note se conclut par une demande de mise sous tutelle de la fédération par la direction du parti. Il demande également la destitution de Jean-Noël Guérini à la tête de l'instance fédérale.
Elle provoque déjà de nombreux remous au sein du Parti socialiste, que ce soit au niveau local, où le premier secrétaire fédéral délégué, Jean-David Ciot, parle de "méthode de voyou", ou sur le plan national, où les dirigeants rivalisent d'éllipses pour éviter de commenter l'affaire. Elle sera certainement mise à l'ordre du jour du prochain bureau national, qui se tiendra mardi 8 à Paris.
Dans le contexte déjà lourd de l'affaire Alexandre Guérini et à trois semaines des élections cantonales, cette nouvelle bombe tombe décidément très mal pour les socialistes.

La Provence