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jeudi 8 septembre 2011

Crise : le courage c’est de dire la vérité

Avons-nous un gouvernement qui voit loin ? Derrière le programme de l’UMP dévoilé par Bruno Le Maire, on sent évidemment poindre une vision comptable mais pas une vision politique, sans même parler de la moindre once de vision historique.
Le problème du programme de l’UMP, tel qu’il a été pensé, c’est qu’il fait l’impasse sur un risque majeur : celui que l’Espagne fasse défaut d’ici la fin de l’année. Mardi dernier, je recevais, au cours d’un colloque que j’organisais avec Jean-Pierre Chevènement à Paris, Jacques Sapir, économiste de renom et auteur de « La démondialisation », livre dont je conseille la lecture tant il est éclairant sur les enjeux de notre temps. Jacques Sapir faisait remarquer que d’ici la fin de l’année, la moitié des 21% de chômeurs espagnols seraient en fin de droits. C’est évidemment un drame humain pour des millions de citoyens espagnols qui se profile. Mais c’est surtout un risque majeur dans un pays dont la croissance passée a été tirée par l’endettement des ménages et une imposante bulle immobilière. Pour les banques ibériques, des chômeurs en fin de droit, ce sont des crédits non remboursés.
La dégradation des notes de plusieurs gouvernements provinciaux espagnols incite en effet à regarder avec vigilance l’évolution de la situation espagnole. Comment ferons-nous pour pallier un défaut de l’Espagne ? Le total des dettes est équivalent, en Espagne, à cinq fois le PIB ! Le forfait de Zapatero aux prochaines élections, le vaste mouvement des Indignados de la Puerta del Sol sont les conséquences d’une situation économique gravissime pour nos voisins d’outre-Pyrénées.
Eurobonds et mutualisation de la dette ? Les Français y semblent davantage prêts que leurs voisins. Nous pouvons aussi envisager la monétisation de la dette. Cela permettrait au moins de dévaluer quelque peu l’euro, sur-évalué, dans un univers de monnaies (Yuan et Dollar) sous-évaluées. Sans ces solutions, les trous d’air économiques à répétitions que les orages de la dette nous font vivre, risquent de se transformer en cyclone de la dépression !
Dans ce contexte, la droite nous propose une « règle d’or » qui sera pour notre pays l’an I des années de plomb. La droite – et ceux qui calqueront leur programme sur le sien – n’auront d’autre choix que de faire subir au pays des « plans de rigueurs » en rafale s’ils ne changent pas radicalement de discours et de politique. Un plan de rigueur, ce ne sont pas que des chiffres, ce sont des vies. Un plan de rigueur, dans les proportions en question, cela se chiffre en coût humain : c’est moins d’infirmières et de médecins et des couloirs d’hôpitaux remplis de brancard qui bouchonnent, c’est moins de policiers ou de gendarmes mais plus de répression, ce sont des professeurs dont on allonge la durée de travail sans leur donner les moyens pédagogiques nécessaires, ce sont des mairies, des conseils généraux privés de moyens et donc, par exemples, des services sociaux ou des programmes péri-scolaires qui disparaissent. Un plan de rigueur, ça ne se chiffre pas, ça se vit !
Pour ma part, je pense qu’en politique, il n’y a qu’une règle à tenir, c’est de dire la vérité. Et la vérité est la suivante : soit nous changeons radicalement de politique, soit nous risquons de subir la plus vaste période de récession de notre histoire économique. Une alternative reste à bâtir. Cela nécessite de bâtir un protectionnisme européen, social, environnemental et industriel. Cela nécessite de bâtir conjointement avec l’Allemagne et les quinze autres membres de la zone euro, une stratégie politique de gouvernement de notre monnaie unique. Cela nécessite surtout le courage de la vérité. C’est tout l’objet de ma candidature.

Arnaud Montebourg

mercredi 17 août 2011

Le mur de la dette et le piège comptable de la peur

L’austérité ou l’art de tuer le patient par le remède

Les politiques d’austérité appliquées à l’heure actuelle ne sont d’aucun secours. A-t-on déjà soigné un seul malade par une saignée ? A force de l’affaiblir les docteurs libéraux finissent par tuer le patient. A force d’étouffer la croissance, elle ne repartira pas. A force de brutaliser les peuples, ils se réfugieront dans des choix extrêmes. Voilà comment l’idéologie libérale est en train de rendre l’euro et l’Europe odieux aux peuples européens. Et personne n’en sortira indemne, pas même l’Allemagne qui, faute d’acheteurs verra sa balance commerciale touchée. Voilà comment mettre en place la mécanique infernale de la dépression qui a déjà touché la Grèce, l’Irlande et qui guette le Portugal, l’Espagne… et peut-être la France. Pourtant, d’autres solutions existent !
 

Un contrat moral avec le pays

Le problème de la dette est très sérieux, mais il n’est pas insoluble. Il nous faut proposer une stratégie pour surmonter l’obstacle de la dette. Peut-on dire très simplement à la population que pour sortir du piège de la dette qui enserre notre futur, des efforts contributifs importants seront nécessaires ? Il faudra lever des impôts, car le pouvoir actuel n’aura pas le courage de rembourser les dettes qu’il a lui-même laissées à ses successeurs. Le tout est qu’ils soient impérieusement justes et équitablement partagés. On peut imaginer un contrat moral avec le pays pour organiser dans un temps assez réduit son redressement, pendant lequel nous nous mettrions d’accord sur les nouveaux prélèvements à décider, puis sur la hiérarchisation des contributeurs, ainsi d’abord la finance, ensuite tout le système bancaire, compris les paradis fiscaux, enfin les revenus du capital, puis seulement après les revenus du travail ?
 

Des solutions alternatives pour enjamber le mur de la dette

Il faut d’abord s’engager dans une politique de monétisation de la dette, c'est-à-dire de rachat des dettes publiques des Etats européens par la BCE qui leur prêterait alors de l’argent à 0% (et non à des taux élevés – notamment pour les Etats fragiles – comme actuellement sur les marchés). Immédiatement, le poids des intérêts des dettes diminuerait. Une grande réforme de la fiscalité sur les transactions financières, les banques, le capital et le patrimoine doit également être mise à l’ordre du jour. Il nous faut enfin reposer la question de l’utilité de la lutte absolue contre l’inflation conduite par la Banque Centrale Européenne. En réalité, le mur véritable est ce dogme installé dans la tête de nos dirigeants. Et si nous faisions autrement ? Que l’on se comprenne bien, il ne s’agit pas de laisser filer l’inflation sans rien contrôler. Olivier Blanchard, chef économiste au FMI, propose une souplesse supplémentaire et alternative, pour un laps de temps réduit : contenir l’inflation autour de 3 ou 4 % durant quelques années, 3 à 5 ans. Un taux d’inflation de 3% permettrait de réduire en 10 ans de 26% le poids de la dette. Tous les débiteurs y trouveraient leur compte : ménages, entreprises et Etats. Et les créanciers qui vivent de leurs rentes, comme les institutions financières, y laisseraient un peu de leur patrimoine. Car il faut dire très clairement : à qui profite l’absence d’inflation obtenue grâce à des taux d’intérêt élevés ? La réponse est simple : à ceux qui ont de l’argent et qui peuvent le jouer et le placer. Cette politique d’inflation mesurée n’est viable que si elle est complétée par l’indexation des salaires sur les gains de productivité, autre proposition que je porte.
Cette politique nous éviterait de précipiter l’Europe dans l’immobilisation économique et l’appauvrissement que représenteraient 10 années insupportables à rembourser le fardeau financier de la crise (la dette publique française est aujourd’hui de 1500 milliards, dont 80% sont des intérêts, soient 1175 milliards).
  Enjamber le mur de la dette, ce mur de l'argent et de la réalité contre lequel la gauche au pouvoir a tant de fois buté, c’est donc balayer les vieilles croyances qui ne mènent qu’à la dépression et mettre à l’usage des solutions nouvelles dont les conséquences ne sont pas de saigner les peuples, mais de répartir les efforts.

Huit propositions sur la dette

  • conclure un contrat national de désendettement
Il passerait par des impôts provisoires sur trois ans, justement répartis et négociés entre les forces politiques et sociales, d’abord la finance, ensuite le système bancaire, également les paradis fiscaux, enfin les revenus du capital, puis seulement après les revenus du travail.
  • accepter et tolérer un peu d'inflation, maîtrisée et contenue
Cette politique permettrait d'alléger le poids de la dette publique et privée, notamment le surplus lié à la crise. 
  • monétiser la dette et émettre une véritable dette européenne
C'est-à-dire permettre le rachat par la Banque Centrale Européenne des dettes publiques des Etats européens exclusivement liées à la crise financière. La crise appelle la solidarité européenne pour la surmonter ensemble.
  • autoriser la banque centrale européenne à financer directement les Etats
Ce financement direct se ferait par des prêts à taux bas ou nul, afin de réduire la dépendance vis-à-vis des marchés financiers. 
  • compenser les déséquilibres des paiments en Europe par une banque européenne des règlements
Elle serait notamment chargée d’organiser les prêts entre Etats membres.
  • développer une fiscalité européenne sur les bénéfices des sociétés
Cette fiscalité alimentera un budget européen qui sera l’instrument de la convergence des économies, afin de mettre fin à la course au moins-disant fiscal en Europe 
  • mettre en place un Gouvernement économique européen
Ce gouvernement économique européen serait chargé de la supervision et de la coordination macro-économique, de la gestion du risque et de son évaluation, de l’orientation commune des économies et de la convergence et la solidarité des différentes économies entre elles.
  • investir conjointement dans l'économie de l'avenir
Faire converger le maintien des niveaux de dépenses publiques des Etats membres de l’Union Européenne vers un niveau permettant de briser la spirale déflationniste de la dette, en investissant conjointement sur l’innovation, la recherche, l’éducation, l’industrie, la mutation écologique et la baisse du chômage (entre 2007 et 2010, l’effort budgétaire consenti par les puissances publiques a été voisin de 4,2 points de PIB au Etats-Unis ; 3,2 points au Royaume-Uni et 1,6 point de PIB en zone euro. La morosité et la pression de la dette trouvent dans cette inertie leur meilleur soutien).

mardi 16 août 2011

Qui veut gaspiller des millions ?

Voici le nom que l’on pourrait donner au triste jeu auquel se sont livrés le Président de la République et le gouvernement durant maintenant plus de quatre ans. À l’heure d’une crise sans précédent de la dette souveraine, menaçant l’Europe entière, on voudrait nous faire croire que le pouvoir a agi en bon gestionnaire et que chacun d’entre nous doit se « serrer la ceinture » en ces temps difficiles. Force est de constater que les efforts n’ont pas été les mêmes pour tous. Les dizaines de millions d’euros qui ont été gaspillés par le « Président du pouvoir d’achat » ne sont un secret pour personne.

La barre avait été placée très haut dès le lendemain des élections présidentielles en 2007. Le seul bouclier fiscal a coûté en 2009 à l'État 678,99 millions d'euros de remboursements à 18 764 contribuables bénéficiaires, c'est-à-dire 2% des Français. Les 1 169 les plus fortunés ont empoché un chèque du Trésor de 362 126 euros chacun. Ceux-là se sont partagé 423,32 millions d'euros, soit plus de 62 % de l'enveloppe totale. Madame Bettencourt a récupéré 30 millions d’euros ! On se demande d’ailleurs à quoi lui sera utile cet argent.

Après cette entrée en matière fracassante, le gouvernement ne s’est pas arrêté en si bon chemin. En pleine crise, la suppression du bouclier fiscal devenant une question de décence, la droite a fait adopter la réforme de l’ISF au printemps dernier. Celle-ci coutera environ 3 milliards d’euros, le tout au bénéfice des contribuables les plus aisés. 3 Milliards d’euros qui ne rentreront pas dans les caisses de l’État à l’heure où la dette avoisine les 1700 Milliards d’euros.

Et ceci n’est qu’un aperçu du grand gaspillage de l’argent public auquel se livre le gouvernement. Dans un autre registre, on pourrait également mentionner la fameuse affaire Lagarde concernant l’arbitrage Tapie. L’ancienne ministre de l’Économie a récemment été mise en cause pour avoir mis sur pieds une procédure d’arbitrage privée dont la régularité aux yeux du droit est pour le moins douteuse. Bernard Tapie, ami personnel de Nicolas Sarkozy, s’est vu attribuer de cette singulière manière une indemnité de 285 millions d’euros dont 45 millions pour préjudice moral !
Pendant que certains, à droite bien sûr mais aussi, plus étonnant, à gauche (http://www.lejdd.fr/Politique/Actualite/Candidature-de-Christine-Lagarde-au-FMI-cacophonie-au-Parti-socialiste-318999/), se satisfaisaient de la candidature Lagarde au FMI, certains, plus lucides, avaient mis en garde contre ce "choix périlleux" (http://www.arnaudmontebourg.fr/mme-lagarde-au-fmi-un-choix-perilleux/) en raison de l'épée de Damoclès brandie au-dessus de la tête de la candidate française à travers cette affaire Tapie.

Si l’on pousse le vice un peu plus loin, on pourrait rappeler que même Raymond Domenech  surfe sur la vague des millions (http://mobile.agoravox.fr/actualites/societe/article/affaire-lagarde-affaire-domenech-98665) Suite au fiasco des bleus en Afrique du Sud, son indemnité de licenciement, obtenue après d’âpres négociations, s’élève à 975 000 euros ! Mais attention, Raymond Domenech ne transige pas avec l’éthique, il n’a pas hésité à refuser la fameuse prime comme la plupart des joueurs.

Pendant ce temps, le parlement votait la réforme des retraites, en invitant chaque français à faire des efforts, et le gouvernement proposait aux salariés, ou plutôt à certains d’entre eux, une prime de 1000 euros… Nouvelle France, il est grand temps que tu arrives !

mardi 9 août 2011

Démanteler les agences de notation - communiqué


La dégradation de la note de la dette publique américaine par une agence de notation constitue une attaque supplémentaire et inadmissible des marchés contre les Etats, contre leurs libres choix démocratiques et leurs contribuables.

La pauvreté des réactions, l'incapacité et l'impuissance des gouvernants des pays membres de la zone Euro devant les marchés et les agences de notation, qui continuent à faire danser les Etats sur la musique de leurs insatiables exigences, est liée à l'idéologie aveuglante de ces dirigeants qui préfèrent faire payer leurs propres peuples plutôt que de faire payer les marchés et les institutions financières responsables de la crise.

Depuis presqu'un an, je propose avec constance un démantèlement des agences de notation, devenues des dangers publics, complices des marchés dans la crise économique et financière, tant il n'est plus à démontrer qu'elles portent des appréciations erronées et trompeuses.

Je propose qu'une loi nationale prohibe pour conflit d'intérêt et atteinte à la déontologie toute expression d'évaluation financière rémunérée par un acteur d'un marché quelconque ayant le moindre intérêt dans une telle évaluation. Cette interdiction serait passible d'amendes civiles en rapport avec les conséquences de l'atteinte.

Par ailleurs, l’Europe doit parallèlement organiser la création d’une agence de notation publique européenne. Elle serait indépendante, transparente et déconnectée des intérêts privés.

L’impact des notes données par les agences de notation et la chute historique des bourses depuis une dizaine de jours montrent les dangers de marchés spéculatifs contre lesquels aucune espèce de mesure coercitive n'a été prise par aucun pays européen. Il est aujourd’hui plus nécessaire encore qu’hier que l’Europe réalise un acte fort de souveraineté et de protection des peuples contre la spéculation et la volatilité irrationnelle des marchés. Pour cela, j’ai déjà fait deux propositions que la situation rend chaque jour plus actuelles :

1- le rachat par la banque centrale européenne des dettes générées par la crise, la mutualisation de celles-ci et leur gestion par une agence européenne de la dette car chaque pays européen ne peut rien isolément contre la spéculation.

2- Les gouvernements européens devront enfin se décider à taxer les transactions financières pour rembourser la dette créée par la crise. La reconquête de l’indépendance financière de l’Europe est la seule condition crédible et viable pour sortir raisonnablement de la crise.

Arnaud Montebourg

Fichage des allocataires : l'UMP recycle de vieilles propositions (article du Monde du 09/08/2011)

Après le "cancer de l'assistanat" dénoncé au printemps par Laurent Wauquiez, puis le rapport de Dominique Tian, fin juin, sur la fraude aux prélévements sociaux, l'UMP repart à l'offensive contre les fraudes sociales. Au risque de se répéter, voire de faire passer  pour neuves des mesures déjà en place.

C'est le chef de file du collectif "Droite populaire", le ministre des transports Thierry Mariani, qui a pris la tête de cette nouvelle charge. Il propose, dans le Journal du Dimanche du 7 août, "la création d'un fichier généralisé des allocataires qui recense toutes les prestations sociales perçues", une idée à laquelle le ministre du travail, Xavier Bertrand, a semblé accorder son soutien, annonçant un "fichier unique des allocataires sociaux avant la fin de l'année". L'initiative a déclenché un tollé de la gauche et d'une partie du centre. Le patron du parti radical de gauche, Jean-Michel Baylet, critique un "mauvais coups aux Français les plus modestes", Martine Aubry dénonce une "insupportable manœuvre accusatoire" à l'encontre des "plus faibles" alors que "les fraudes aux cotisations patronales, qui coûtent quatre à cinq fois plus que les prestations sociales indues, ne sont pas inquiétées". Hervé Morin, patron du nouveau centre, juge pour sa part que "ficher les plus pauvres à des fins électoralistes ne saurait être une réponse à la détresse de millions de personnes honnêtes". Pourtant, à y regarder de plus près, l'annonce de M. Mariani tient essentiellement de la politique. Voire, visait à créer une polémique sur ce sujet auquel l'électorat de droite populaire est traditionnellement très sensible, alors même que l'annonce de ce "fichier unique" est tout sauf une nouveauté.

UN FICHIER INSTITUÉ DEPUIS 2006

Car il n'y a strictement rien de nouveau dans les annonces de MM. Mariani et Bertrand. Comme l'annonçait lundi 8 août le site actuchômage.org, le fichier, baptisé Répertoire National Commun de la Protection Sociale (RNCPS) a été créé par une loi du 21 décembre... 2006.A la veille de la présidentielle 2007, il s'agissait déjà d'adresser des signes à l'électorat traditionnel de la majorité, sensible à cette question des fraudes sociales. A l'époque, le même Xavier Bertrand, alors ministre de la santé du gouvernement Villepin, annonçait dans Le Parisien la mise en place d'un "comité national de lutte contre la fraude en matière de Sécurité sociale", chargé notamment de permettre aux différents acteurs de la protection sociale "d'échanger leurs informations et de croiser leurs fichiers".L'amendement de décembre 2006 instaurant le RNCPS a donc autorisé la création de ce fichier, mais sa mise en oeuvre pratique, elle, n'a cessé d'être retardée. Ce qui n'a pas empêché la majorité de multiplier les annonces sur le thème des fraudes sociales et des fichiers.En attendant le lancement du RNCPS, la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) a ainsi mis en place en 2008, sous l'égide du ministre du budget, Eric Woerth, un "répertoire national des bénéficiaires" pour signaler les doubles affiliations. Ce répertoire était présenté par le pouvoir comme un "prélude". Le gouvernement crée par ailleurs, en 2008, une "Délégation nationale à la lutte contre la fraude", parallèle au comité national créé deux ans auparavant.

INITIATIVES TOUS AZIMUTS CONTRE LA FRAUDE

Mais maglré ces initiatives tous azimuts pour une lutte anti-fraude érigée en priorité nationale,  le fameux RNCPS se fait toujours attendre, notamment car la commission nationale informatique et libertés (Cnil) réclame des garanties quant à son utilisation. De fait, il faut patienter jusqu'en 2009 pour que paraisse enfin le décret gouvernemental permettant sa mise en œuvre.  Mais celle-ci n'est pas immédiate.Fin 2010, le ministre du budget François Baroin lance une nouvelle initiative de lutte contre la fraude, et promet notamment que "dix nouveaux croisements de fichiers seront réalisés, dans le respect de la loi informatique et libertés : recherche des logements fictifs, des fraudes au chômage..."En mars 2011, dans un entretien au Figaro, Xavier Bertrand évoque une nouvelle fois ce répertoire, promettant qu'il sera "opérationnel d'ici à la fin de l'année". En attendant, le gouvernement lance en avril un plan de lutte contre la fraude aux prestations sociales, qui ont augmenté selon lui de 25 % en 2009. Parmi les mesures, la mise en place de comités départementaux de lutte contre la fraude (Codaf)En juin, le député UMP et membre de la droite populaire Dominique Tian remet un nouveau rapport sur la question des fraudes sociales, en proposant notamment de créer un "FBI de la lutte contre la fraude", qu'il chiffre, sans toujours justifier sa méthodologie, à 20 milliards d'euros. Le collectif "Droite populaire" consacre d'ailleurs un colloque à la question des fraudes sociales le 15 juin. Il est intitulé "hold-up sur la solidarité nationale". Le même mois, l'UMP propose, parmi ses 41 propositions sur la "justice sociale", la création d'un "fichier national des fraudeurs sociaux". Le parti assure même : "actuellement aucune base de données nationale ne recense l'identité des fraudeurs". 

UNE QUESTION DE PRIORITÉS

L'activité intense menée contre les fraudes sociales est aussi question de priorités. Selon le rapport 2011 de la délégation nationale à la lutte contre la fraude, celle qui touche les prestations sociales concernait en 2009 "674 millions d'euros (entre 540 millions d'euros et 808 millions d'euros), soit 1,13 % des prestations versées". Tandis que la fraude aux cotisations sociales, qui concerne, elle, les employeurs, représente "dans le cadre du travail dissimulé entre 15,5 et 18,7 milliards d'euros, ce qui représente 6 à 7,5 % des 251 milliards d'euros de cotisations sociales contrôlables versées en 2009". En 2010, l'Urssaf a récupéré 1,237 milliard d'euros à la faveur de contrôles auprès des entreprises, dont 185 millions sur le travail dissimulé. Sur les 58 380 personnes contrôlées par l'organisme, 63,1% ont fait l'objet d'un redressement.

Samuel Laurent

mercredi 27 juillet 2011

Lettre au Président de la République

Louhans, le 27 juillet 2011

 
               Monsieur le Président de la République,
 
J'ai bien reçu, et vous en remercie, la lettre que vous avez destinée à tous les parlementaires au sujet de la crise de l'euro et de l'état des finances publiques de la France.
 
J'ai compris que vous souhaitiez assainir les finances publiques de la France. 
 
Il était temps. Car votre responsabilité est écrasante et historique dans l'aggravation de notre endettement national. Sous votre Présidence, vous avez, à chaque loi de finances, employé l'énergie de votre Gouvernement à réduire les impôts et les recettes de l'Etat en provenance de contribuables privilégiés qui ont eu inutilement votre faveur, pendant que la France empruntait pour payer ses dépenses courantes. Cette imprévoyance s'est accompagnée d'une désinvolture inégalée en ne prenant aucune mesure pour mettre le pays à l'abri des pressions inadmissibles exercées par les marchés financiers : excès de créanciers étrangers, insuffisance de créanciers nationaux, dégradation de notre exposition financière, explosion des intérêts de la dette.
 
Vous aurez été le premier Président de la République à créer les conditions d'une dangereuse dépendance de notre pays aux comportements de marchés erratiques, volatils et irresponsables. On se souviendra malheureusement que, sous votre magistrature, la politique de la France se sera désormais faite pour et sur les marchés financiers, trahissant une phrase résumant à elle seule une part du consensus national dans laquelle je me reconnais et dont vous reconnaîtrez l’auteur, le Général de Gaulle : "La politique de la France ne se fait pas à la corbeille".
 
Vous réclamez la recherche de l'unité nationale autour des problèmes financiers nationaux que vous avez créés et aggravés. Serait-ce le signe de votre incapacité à remettre en ordre les difficultés que vous avez provoquées? Qu'avez vous pris comme peine pour écouter pendant ces dernières années d'autres que vous-même, et éviter au pays les graves erreurs qui resteront comme une tache sur la gravure de notre histoire économique et financière ?
 
Vous semblez considérer que cette crise viendrait de nulle part, qu'elle est un accident malheureux inévitable, comme le sont les catastrophes naturelles. Pourtant, cette crise a des origines politiques bien connues, relevées par nombres d'économistes parmi lesquels figurent quelques célèbres Prix Nobel.
 
Cette crise n'est pas étrangère à la volonté de certains responsables politiques de laisser leur pouvoir aux marchés, notamment de capitaux, ainsi qu'à l'industrie financière qui est en train de détruire l'économie européenne. Vous faites partie de ces responsables, car aucune décision de nature à combattre ce pouvoir n'a été prise ni proposée par vos soins pour contrôler ces excès qui coûtent tant aux peuples, aux contribuables des classes moyennes et populaires, désormais convoqués pour payer la facture d'une crise dans laquelle ils n'ont aucune espèce de responsabilité.
 
Le plan d'urgence de sauvetage de la Grèce, dont vous louez les mesures, est un arrangement invraisemblable et, pour tout dire, scandaleux, au bénéfice du secteur bancaire qui pourra désormais se délester de ses actifs risqués auprès du Fonds Européen de Stabilisation. Vous avez ainsi orchestré un transfert massif des risques du privé vers le public contre une participation "volontaire" des banques. Les contribuables français et européens ont eu droit à moins d'égards et porteront seuls l'essentiel de la charge que votre Premier Ministre a évaluée à 15 milliards d'euros pour les finances publiques nationales.
 
Cette crise, depuis 2008, nous a déjà coûté près de 10 points de croissance. Vous le savez, l'aggravation des comptes publics depuis 2007 est de la responsabilité des marchés financiers. Il est donc inutile, tout comme il est injuste, de se tourner vers le peuple. 
 
Puisque vous réclamez l'unité nationale, voici mes propositions : interdiction d'activité pour les agences de notation anglo-saxonnes,  interdiction de toute activité spéculative de la part des entités financières agissant sur le territoire national, mise sous tutelle des banques et institutions financières agissant sur le territoire national, taxation de toute transaction financière européenne à 0,001 pour cent afin de financer le remboursement des dettes souveraines des Etats membres de l'Union Européenne mutualisées dans une agence européenne de la dette, embargo de toute transaction financière en provenance ou à destination des territoires non coopératifs, surnommés paradis fiscaux. 
 
Je vous indique que si tout ou partie de ces mesures étaient soumises au vote de l'Assemblée Nationale par votre Gouvernement, je les voterais sans hésiter, et je crois pouvoir dire que le groupe socialiste auquel j'appartiens en ferait certainement autant.
 
S'il m'était permis un conseil, Monsieur le Président, je vous conseillerais d'abandonner la présence insistante et permanente à vos côtés des institutions privées financières, pour vous ouvrir aux analyses des nombreux économistes indépendants et éclairés que nous avons en France. Vous comprendrez alors que les plans d'austérité que vous préparez avec vos amis du Gouvernement allemand de droite, dans la situation où nous sommes, nous fait courir le grand risque de tuer le retour de la croissance dont nous avons tant besoin.
 
Vous tirerez certainement un orgueil stérile et déplacé d'avoir pris des mesures impopulaires, mais vous aurez abîmé l'économie française et, une nouvelle fois, inutilement affaibli la France.
 
Je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, en l’expression de ma considération respectueuse.
 
 
Arnaud Montebourg