Monsieur le Président de la République,
J'ai bien reçu, et vous en remercie, la lettre que vous avez destinée à tous les parlementaires au sujet de la crise de l'euro et de l'état des finances publiques de la France.
J'ai compris que vous souhaitiez assainir les finances publiques de la France.
Il était temps. Car votre responsabilité est écrasante et historique dans l'aggravation de notre endettement national. Sous votre Présidence, vous avez, à chaque loi de finances, employé l'énergie de votre Gouvernement à réduire les impôts et les recettes de l'Etat en provenance de contribuables privilégiés qui ont eu inutilement votre faveur, pendant que la France empruntait pour payer ses dépenses courantes. Cette imprévoyance s'est accompagnée d'une désinvolture inégalée en ne prenant aucune mesure pour mettre le pays à l'abri des pressions inadmissibles exercées par les marchés financiers : excès de créanciers étrangers, insuffisance de créanciers nationaux, dégradation de notre exposition financière, explosion des intérêts de la dette.
Vous aurez été le premier Président de la République à créer les conditions d'une dangereuse dépendance de notre pays aux comportements de marchés erratiques, volatils et irresponsables. On se souviendra malheureusement que, sous votre magistrature, la politique de la France se sera désormais faite pour et sur les marchés financiers, trahissant une phrase résumant à elle seule une part du consensus national dans laquelle je me reconnais et dont vous reconnaîtrez l’auteur, le Général de Gaulle : "La politique de la France ne se fait pas à la corbeille".
Vous réclamez la recherche de l'unité nationale autour des problèmes financiers nationaux que vous avez créés et aggravés. Serait-ce le signe de votre incapacité à remettre en ordre les difficultés que vous avez provoquées? Qu'avez vous pris comme peine pour écouter pendant ces dernières années d'autres que vous-même, et éviter au pays les graves erreurs qui resteront comme une tache sur la gravure de notre histoire économique et financière ?
Vous semblez considérer que cette crise viendrait de nulle part, qu'elle est un accident malheureux inévitable, comme le sont les catastrophes naturelles. Pourtant, cette crise a des origines politiques bien connues, relevées par nombres d'économistes parmi lesquels figurent quelques célèbres Prix Nobel.
Cette crise n'est pas étrangère à la volonté de certains responsables politiques de laisser leur pouvoir aux marchés, notamment de capitaux, ainsi qu'à l'industrie financière qui est en train de détruire l'économie européenne. Vous faites partie de ces responsables, car aucune décision de nature à combattre ce pouvoir n'a été prise ni proposée par vos soins pour contrôler ces excès qui coûtent tant aux peuples, aux contribuables des classes moyennes et populaires, désormais convoqués pour payer la facture d'une crise dans laquelle ils n'ont aucune espèce de responsabilité.
Le plan d'urgence de sauvetage de la Grèce, dont vous louez les mesures, est un arrangement invraisemblable et, pour tout dire, scandaleux, au bénéfice du secteur bancaire qui pourra désormais se délester de ses actifs risqués auprès du Fonds Européen de Stabilisation. Vous avez ainsi orchestré un transfert massif des risques du privé vers le public contre une participation "volontaire" des banques. Les contribuables français et européens ont eu droit à moins d'égards et porteront seuls l'essentiel de la charge que votre Premier Ministre a évaluée à 15 milliards d'euros pour les finances publiques nationales.
Cette crise, depuis 2008, nous a déjà coûté près de 10 points de croissance. Vous le savez, l'aggravation des comptes publics depuis 2007 est de la responsabilité des marchés financiers. Il est donc inutile, tout comme il est injuste, de se tourner vers le peuple.
Puisque vous réclamez l'unité nationale, voici mes propositions : interdiction d'activité pour les agences de notation anglo-saxonnes, interdiction de toute activité spéculative de la part des entités financières agissant sur le territoire national, mise sous tutelle des banques et institutions financières agissant sur le territoire national, taxation de toute transaction financière européenne à 0,001 pour cent afin de financer le remboursement des dettes souveraines des Etats membres de l'Union Européenne mutualisées dans une agence européenne de la dette, embargo de toute transaction financière en provenance ou à destination des territoires non coopératifs, surnommés paradis fiscaux.
Je vous indique que si tout ou partie de ces mesures étaient soumises au vote de l'Assemblée Nationale par votre Gouvernement, je les voterais sans hésiter, et je crois pouvoir dire que le groupe socialiste auquel j'appartiens en ferait certainement autant.
S'il m'était permis un conseil, Monsieur le Président, je vous conseillerais d'abandonner la présence insistante et permanente à vos côtés des institutions privées financières, pour vous ouvrir aux analyses des nombreux économistes indépendants et éclairés que nous avons en France. Vous comprendrez alors que les plans d'austérité que vous préparez avec vos amis du Gouvernement allemand de droite, dans la situation où nous sommes, nous fait courir le grand risque de tuer le retour de la croissance dont nous avons tant besoin.
Vous tirerez certainement un orgueil stérile et déplacé d'avoir pris des mesures impopulaires, mais vous aurez abîmé l'économie française et, une nouvelle fois, inutilement affaibli la France.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, en l’expression de ma considération respectueuse.
Arnaud Montebourg
J'ai bien reçu, et vous en remercie, la lettre que vous avez destinée à tous les parlementaires au sujet de la crise de l'euro et de l'état des finances publiques de la France.
J'ai compris que vous souhaitiez assainir les finances publiques de la France.
Il était temps. Car votre responsabilité est écrasante et historique dans l'aggravation de notre endettement national. Sous votre Présidence, vous avez, à chaque loi de finances, employé l'énergie de votre Gouvernement à réduire les impôts et les recettes de l'Etat en provenance de contribuables privilégiés qui ont eu inutilement votre faveur, pendant que la France empruntait pour payer ses dépenses courantes. Cette imprévoyance s'est accompagnée d'une désinvolture inégalée en ne prenant aucune mesure pour mettre le pays à l'abri des pressions inadmissibles exercées par les marchés financiers : excès de créanciers étrangers, insuffisance de créanciers nationaux, dégradation de notre exposition financière, explosion des intérêts de la dette.
Vous aurez été le premier Président de la République à créer les conditions d'une dangereuse dépendance de notre pays aux comportements de marchés erratiques, volatils et irresponsables. On se souviendra malheureusement que, sous votre magistrature, la politique de la France se sera désormais faite pour et sur les marchés financiers, trahissant une phrase résumant à elle seule une part du consensus national dans laquelle je me reconnais et dont vous reconnaîtrez l’auteur, le Général de Gaulle : "La politique de la France ne se fait pas à la corbeille".
Vous réclamez la recherche de l'unité nationale autour des problèmes financiers nationaux que vous avez créés et aggravés. Serait-ce le signe de votre incapacité à remettre en ordre les difficultés que vous avez provoquées? Qu'avez vous pris comme peine pour écouter pendant ces dernières années d'autres que vous-même, et éviter au pays les graves erreurs qui resteront comme une tache sur la gravure de notre histoire économique et financière ?
Vous semblez considérer que cette crise viendrait de nulle part, qu'elle est un accident malheureux inévitable, comme le sont les catastrophes naturelles. Pourtant, cette crise a des origines politiques bien connues, relevées par nombres d'économistes parmi lesquels figurent quelques célèbres Prix Nobel.
Cette crise n'est pas étrangère à la volonté de certains responsables politiques de laisser leur pouvoir aux marchés, notamment de capitaux, ainsi qu'à l'industrie financière qui est en train de détruire l'économie européenne. Vous faites partie de ces responsables, car aucune décision de nature à combattre ce pouvoir n'a été prise ni proposée par vos soins pour contrôler ces excès qui coûtent tant aux peuples, aux contribuables des classes moyennes et populaires, désormais convoqués pour payer la facture d'une crise dans laquelle ils n'ont aucune espèce de responsabilité.
Le plan d'urgence de sauvetage de la Grèce, dont vous louez les mesures, est un arrangement invraisemblable et, pour tout dire, scandaleux, au bénéfice du secteur bancaire qui pourra désormais se délester de ses actifs risqués auprès du Fonds Européen de Stabilisation. Vous avez ainsi orchestré un transfert massif des risques du privé vers le public contre une participation "volontaire" des banques. Les contribuables français et européens ont eu droit à moins d'égards et porteront seuls l'essentiel de la charge que votre Premier Ministre a évaluée à 15 milliards d'euros pour les finances publiques nationales.
Cette crise, depuis 2008, nous a déjà coûté près de 10 points de croissance. Vous le savez, l'aggravation des comptes publics depuis 2007 est de la responsabilité des marchés financiers. Il est donc inutile, tout comme il est injuste, de se tourner vers le peuple.
Puisque vous réclamez l'unité nationale, voici mes propositions : interdiction d'activité pour les agences de notation anglo-saxonnes, interdiction de toute activité spéculative de la part des entités financières agissant sur le territoire national, mise sous tutelle des banques et institutions financières agissant sur le territoire national, taxation de toute transaction financière européenne à 0,001 pour cent afin de financer le remboursement des dettes souveraines des Etats membres de l'Union Européenne mutualisées dans une agence européenne de la dette, embargo de toute transaction financière en provenance ou à destination des territoires non coopératifs, surnommés paradis fiscaux.
Je vous indique que si tout ou partie de ces mesures étaient soumises au vote de l'Assemblée Nationale par votre Gouvernement, je les voterais sans hésiter, et je crois pouvoir dire que le groupe socialiste auquel j'appartiens en ferait certainement autant.
S'il m'était permis un conseil, Monsieur le Président, je vous conseillerais d'abandonner la présence insistante et permanente à vos côtés des institutions privées financières, pour vous ouvrir aux analyses des nombreux économistes indépendants et éclairés que nous avons en France. Vous comprendrez alors que les plans d'austérité que vous préparez avec vos amis du Gouvernement allemand de droite, dans la situation où nous sommes, nous fait courir le grand risque de tuer le retour de la croissance dont nous avons tant besoin.
Vous tirerez certainement un orgueil stérile et déplacé d'avoir pris des mesures impopulaires, mais vous aurez abîmé l'économie française et, une nouvelle fois, inutilement affaibli la France.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, en l’expression de ma considération respectueuse.
Arnaud Montebourg